Marche, oui, marche.. Oublie ainsi qui tu es, où tu vas, marche sans but, oui, erre, mon grand, erre, parmi les débris de la société, les bourgeons, les cendres, les futurs espoirs de la vie future, les espoirs de la grande Amerique, avec un 'a' majuscule siouplait. Pouah, juste de la marmaille qui ne parviendra peut-être pas jusqu'à l'âge adulte. Des gosses, des chiards, des marmots... rien d'intéressant, peut-être la relève. Qui sait ? Mais celui là est trop chétif, celui-ci est trop malade.. Que penser des mômes quand on n'a jamais vraiment eu l'impression d'en être un, de regretter le temps de l'enfance, de regretter les rires, les pleurs et les petits bobos innocents. Que regretter dans la vie ? Il n'y a rien à regretter, pas de nostalgie mal placée, pas de regrets éphémères d'un temps passé que ressassent tellement de gens. Après tout, l'enfance semble être un temps de joie et de bonheur quand on est vieux, mais les enfants pensent-ils vraiment la même chose ? On ne leur demandera pas, qu'ils se taisent ces espoirs de la société, ils pourront parler quand ils regretteront à leur tour.
Fuyez, mômes, fuyez, je ne suis pas d'humeur à vous supporter, je vous déteste, je vous exècre, vous êtes tout ce que je ne suis pas. L'enfance, rien qu'un mot de plus qui n'existe que dans le vocabulaire des autres, l'enfance est un état d'esprit, une façon de penser, une manière d'envier ceux qui ne savent pas encore. Oui, l'enfance. Fuyez, partez, dégagez de ma route avant que je ne décide de faire de ce rêve un cauchemar, de votre rêve une mort assurée. Non, pas de mort, juste de la peur, de la violence, quelques cris, rien de bien méchant, il ne faut pas s'énerver, ne pas penser aux ombres du passé, aux rires moqueurs des enfants assis une place devant, de ces futurs hommes déjà violents et déjà armés. De ce que ces petites choses heureuses qui allaient autour de lui auraient pu être si la vie avait décidée d'être chienne et de les faire naitre quelques kilomètres plus loin. Parce que c'est l'époque, parce que c'est comme ça, parce que c'est la vie.
Les mains dans les poches, l'homme, les mains plantées profondément dans les poches, les poings serrés à s'en crever la paume, les jointures blanchies, la mâchoire serrée pour ne pas exploser, pour ne pas les exploser, ces souvenirs désagréables, ces petites choses qu'on appelait la vie. Écouter les mêmes rires depuis plus de 20 ans, ces rires ravies, ces rires mauvais, qui n'avaient jamais la même signification. Comment des gens pouvaient-ils s'émerveiller devant ces petits monstres ? Ces futurs dictateurs en puissance. Exterminez tout ce qu'il y a de mauvais, laissez la race humaine mourir, emprisonnez les enfants avant qu'ils ne souffrent d'eux même. Ne vous faites pas d'illusions, vous, parents, hommes, femmes, la marmaille que vous louez, votre prodige votre enfant est bien plus mauvais que n'importe lequel des adultes que vous pouvez fréquenter.
Bouge, idiot, bouge, ne reste pas au milieu de ces jeux auxquels tu n'as jamais participé, bouge, fuis ce monde qui n'es pas le tien et que tu ne connaitras jamais. Fuis ces rapaces qui se font appeler des mères et que tu ne comprendras jamais, eux qui ne ressemblent pas à celle que tu connais. Pars, fuis, ne reste pas là. Un pied devant l'autre, ne pense pas, contente toi de bouger, comme tu l'as toujours fait, fuis, c'est tout, fuir. Il y a parfois une certaine noblesse à fuir l'inconnu, oui. N'aie pas peur, c'est tout, c'est bien, ne fais pas attention au gamin que tu viens de renverser en marchant tout droit, ne fais pas attention aux cris, aux pleurs.
Il y a une chose auquel il aurait fallu faire attention c'était la poulette qui servait de mère au chiard qu'il venait de renverser, une sorte de chose qui piaille, hurle et insulte en s'agrippant de toutes ses forces à celui qui venait de s'attaquer à sa progéniture. Il aurait du faire attention, mesurer sa force, et ne pas s'énerver, rester calme face aux cris de la mère, aux pleurs hypocrites de l'enfant pour une petite égratignure. Oui, il aurait dû, mais il ne le fit pas, il repoussa la femme, par terre, et lui flanqua une baffe, bien sonnante et avant qu'elle ne reprenne ses esprits, il disparut dans un des buissons qui bordait la route, il se contenta de faire ce qu'il savait faire, disparaitre après une rixe, ce qu'il avait toujours fait. Ce que l'instinct de survie l'avait poussé à faire depuis qu'il savait parler, marcher, qu'il savait ce qui était sensé être blessant ou non.
Errer dans la broussaille, s'asseoir par terre, tant de choses qu'il aurait fait quand il avait été gamin, attendre que l'orage passe, que les cris se taisent au loin, que les recherches se finissent et rentrer quand il fait nuit, sans espoir d'avoir pour autre bienvenue les habituels cris de sa mère, ces cris dont il connaissait maintenant la signification, ces cris qu'il avait expérimenté lui aussi, avec sa mère en tête, non, il ne pouvait pas faire comme ces personnes qui venaient, le visage baissé, masqué par l'ombre du couloir, à catimini de peur d'être reconnus. Lui, il savait qui ils étaient, il se contentait de les dévisager, debout dans le couloir, devant la porte de la chambre commune, en attendant que la porte s'ouvre une énième fois pour pouvoir s'infiltrer et se cacher dans l'armoire, et tenter de trouver le sommeil.
Mais là, il se contenta de tracer, de marcher le plus vite qu'il pouvait pour éviter les griffes acérées des femmes, ces choses qu'il connaissait si bien, allez-y, frappez, montrez à quel point vous êtes forte. Par des cris, pas des insultes, par des mots qui ne font mal qu'aux enfants, vous m'indifférez maintenant, je vous hais. Vous ne valez pas mieux que les hommes, vous ne valez rien, rien du tout, vous n'êtes rien. Juste des machines à mioches, des machines à monstre. A votre image, oui, à votre image.
James émergea des buissons et continua son bonhomme de chemin, ignorant superbement la femme avec son berceau qui le dépassa d'un pas précipité. Trop de femmes, trop d'enfants, fuir cet endroit serait le mieux, aller se réfugier dans un endroit miteux, comme l'endroit où il était né, on ne vit que dans l'endroit où on se sent bien, non ? L'endroit qui est le mieux connu. Un endroit où des gens bien pensants n'iraient pas sans avoir quelques envies suicidaires, les bas fonds, les bars, la rue, la nuit. Loin du jour, du bonheur apparent et de l'archétype de la bonne famille Américaine. Mais pour cela, il fallait marcher, continuer de croiser, aller loin, et surtout avoir de l'argent, ou de quoi frapper fort. Mais il n'avait pas envie de chercher, juste de s'asseoir et d'oublier, de pouvoir insulter proprement ces êtres qu'il méprisait tellement.
Sur un banc, oui, mais pas avec ces femmes qui berçaient et chantaient tendrement des comptines mièvres à leurs bébés qui ne comprenaient même pas ce qu'elles disaient, trouver quelqu'un à virer serait une bonne idée, frapper tout ce qu'il pouvait. Peut-être trouver un clochard et se refaire la main ? Non, ce n'était pas professionnel et il y avait trop de monde avec trop de personnes influençables capables de poser des 'pourquoi ?' ou de crier tellement fort et de courir. Il se remit à marcher, en fixant dans le vent, en fixant ce qui lui semblait être une silhouette plus forte, plus affalée aussi, plus familière... Plus masculine et sans accompagnateurs.
Il ne sut pas ce qui le poussa à s'approcher du jeune homme, de faire ce qu'il n'aurait jamais fait, un acte de sociabilité, mais il le fit, peut-être parce que l'homme ne semblait pas avoir envie de faire la conversation, peut-être parce qu'il semblait être une bouée parmi cette vague d'inconnus et d'êtres malveillants. Il s'y accrocha, le fixa et s'assit à ses côtés, sans le fixer, en continuant de regarder droit devant lui. Il accepta même une clope que celui-ci lui tendit. Pas de remerciements, il pouvait toujours courir, pas de demandes, il tendit sa clope en fronçant les sourcils. Du feu, mec, du feu. Pas de 's'il te plait', pas de 'merci', c'est en dehors de mes principes, pas de paroles inutiles.. Et pourtant.
Le silence s'installa, aucune parole, aucune pensée de plus. Et pourtant. Et pourtant le silence l'irritait, le crispait, lui démangeait les doigts, lui donnait envie de s'agripper à quelque chose et de frapper, aussi fort qu'il le pouvait, de briser, de faire pleurer. Hurle ! Supplie moi ! Dis quelque chose bon sang, tu ne peux pas être aussi parfait, homme. Je te connais, et pourtant. Es-tu une de ces figures du passé ou un de ces hommes que l'on reconnait sans savoir vraiment d'où ..? Ou peut-être un homme, une connaissance récente. La clope entre les lèvres, il le fixa, le tas mou que semblait constituer l'homme. Ah... oui, ce gamin, oui... Cora, Cori, quelque chose comme ça.
Qu'est-ce que fous là, machin ?Détestable, sourire haineux, habituel, ne pas se faire apprécier des autres, une habitude, un art de vivre, mais il n'en fallait probablement pas si peu pour énerver le tas à côté de lui. L'énerver, pas la première chose à faire, à penser. Non, juste une question, on verra plus tard pour assouvir sa haine, son besoin de frapper, de faire mal, de sang.
L'intention de fonder une 'tite famille ? La jolie dame à la maison qui fait la bouffe en attendant le mari aimant qu'rentre d'mission en occupant l'gosse ? L'rêve Américain, gamin ?'Toujours ce sourire, cette haine. Cette envie de frapper, de donner des coups, de l'entendre hurler, crier, comme une petite fille.
Ou t't'cherches une fille à baiser, à prendre par derrière et à entendre hurler ? Hein ?- Spoiler:
Désolée pour le temps de réponse