Lorsqu'il fut guéri de ses anciennes blessures et que l'on jugea qu'il était apte à s'insérer à nouveau dans la vie quotidienne et relationnelle, on le renvoya au foyer qui l'avait accueilli. Les manières et le comportement du jeune garçon avaient changés et il se montrait sur le jour le plus clément et le plus "vendeur" possible. Désormais il passait un cran au-dessus : une famille se portait garante de lui-même et lui offrait un nouveau toit.
Ce fut de mal en pis. Il passa de familles d'accueil en familles d'accueil, de foyers en foyers... Partout où il allait il mettait mal à l'aise, surtout les enfant, et ce qu'il soit d'un âge égal ou plus avancé voire plus jeune que le sien. Ces principaux sujets de conversation était l'anatomie humaine et animale. Il fut replacé dans un autre centre d'accueil le jour où, à l'âge de douze ans, il expliqua à sa "petite soeur" le processus de décomposition des corps de A jusqu'à Z. La plupart du temps les autres enfants ne l'approchaient pas. On disait qu'il y avait quelque chose en lui qui faisait frémir en plus de sa réputation -et son incroyable politesse n'arrangeait curieusement rien à la situation. Le reste du temps il demeurait assidu, écoutant en classe, faisant ses devoirs et lisant beaucoup. Les livres de médecine n'étant pas légion il resta ainsi bloqué durant plusieurs mois, frustré de ne pas pouvoir étancher davantage sa soif de savoir. Jusqu'au jour où il se mutila les bras, et ce parce qu'il avait entendu dire que c'était ce que se faisaient les fous pour extérioriser les peurs et douleurs les plus profondes. Immédiatement il fut retransféré au centre du Docteur Shapman qui ne s'étonna guère plus que cela de le voir revenir... mais fut proprement stupéfait lorsque le garçon lui avoua ce qu'il avait fait pour revenir auprès de lui.
Shapman menaça de le renvoyer au foyer mais il tint bon, s'efforçant de lui faire comprendre qu'il avait besoin des livres de médecine et de l'atmosphère du centre pour pouvoir se plonger dans ses réflexions, qu'en réalité il était bel et bien malade s'il ne cotoyait pas...
"La mort ?", lui avait dit le Docteur. Et ces deux mots furent gravés dans son esprit au fer rouge : de ceux qui marquent et qui font mal, puisque c'était ajoutée à cette affirmation comme un semblant de frisson de la part du médecin. Il comprit alors. Rourke avait du potentiel malgré ces attirances morbides. Et il comprit aussi qu'il ne se débarrasserait pas de lui aussi facilement. Il proposa de le garder dans son centre et de lui offrir la possibilité d'aller plus loin dans ses études, de parfaire ses connaissances. Bien sûr, au début, et pour un garçon si jeune, l'apprentissage élémentaire des mathématiques, des lettres, des langues, de l'histoire et de la géographie seraient essentiels. Puis viendrait ensuite se greffer la médecine. Il n'était plus un patient désormais mais bel et bien un élève... Bientôt il serait à la mesure de ces étudiants qui passaient de temps à autre apprendre et "filer un coup de main" au Docteur Shapman, comme il le disait souvent...
Mais, Rourke Emerson eut 16 ans lorsqu'il acheva ses études fondamentales. ET 18 lorsque d'autres en avait 24, 25 voire 28 ou 29 lorsqu'il fallut faire partie des stagiaires du Docteur Shapman. Il observait avec la plus grande attention tout ce qui pouvait lui être appris et se moquait parfois un peu de ces ainés, dont la plupart s'interrogeaient encore sur certains principes fondamentaux de la médecine moderne...
Rourke Emerson n'avait pas encore décroché son diplôme lorsqu'on lui téléphona pour lui faire une offre des plus alléchantes. Depuis quelques temps déjà, il avait cherché à trouver du travail à l'extérieur du centre et dans une branche dans laquelle il souhaitait se spécialiser : la médecine légale. Il avait démarché, envoyé lettres sur lettres puis avait été contacté par un centre pharmaceutique qui se disait à la recherche de jeunes chercheurs. Rourke en parla à son mentor qui le félicita, affirmant que c'était déjà un très bon début. Il ne touchait peut-être pas au but souhaité pour le moment mais cela lui ferait une certaine expérience. Il accepta.
En réalité, le groupe pharmaceutique dont il est question avait déjà très bien entendu ses attentes. Ils s'étaient renseignés sur son compte, se montrant plus qu'intéressés en voyant son dossier. L'âge qu'il avait ne correspondant pas au schéma classique de tout étudiant qui se respecte. Emerson était un cas à part. Ils ne mirent pas longtemps avant de recueillir les témoignages d'anciens médecins, aides-soignants, infirmiers et même patient de l'institut Shapman. Beaucoup de leurs apprétitations divergeaient, bien entendu, et étrangement elles convergeaient toutes vers le même avis : Rourke Emerson était un génie qui s'ignorait encore. avec sa sensibilité, il pourrait faire de belles choses.
Mais toujours avec cette vision de corps s'écrasant contre le parechoc d'une voiture. Comment trouver un semblant de beauté à l'existence, elle qui avait été prise en flagrant délit dans sa plus froide banalité, alors qu'il n'avait que 4 ans ?
Rourke Emerson était entré au sein d'Umbrella Corporation à l'âge de 18 ans. Plus de quatre ans dans le service et son diplôme ainsi que le maintien de son poste étaient assurés. Il travailla d'arrache-pied sur des projets qu'on lui donnait, des souches à étudier, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi ni quel était l'intérêt réel. Il fut placé sous l'ignorance durant huit longs mois... jusqu'à ce que l'on se décide à lui dévoiler enfin l'étendu du vaste projet d'Umbrella : créer des armes biologiques et résistantes et être capable de fournir aussi bien les plus puissants pays que le tout-venant. Rourke recula un peu rien qu'à cette idée. Son but, certes, était d'étudier "l'après-vie", de déterminer ce qui faisait qu'un corps s'arrêtait de bouger à un moment donné et, si possible, pouvoir y apporter des changements... Mais de là à envahir le marché en futur cataclysmes sociaux et favoriser leurs guerres les plus sordides et destructrices qui soient. Il se sentait presque dans la peau de celui qui avait dû lancer la bombe sur Hiroshima.
Mais il n'avait désormais plus le choix. Et on lui fit fermement comprendre que s'il refusait il n'irait certainement pas bien loin aussi bien dans sa carrière que dans sa propre existence. Mais, comme on le dit bien souvent : les déchets ont la vie comme la dent dure. Emerson persista, montrant son intérêt à étudier les phénomènes de la décomposition et du flétrissement du métabolisme après la mort. Il travaillait à ce projet d'Après-Vie jour et nuit, ne se laissant aucune pause, aucun répit, ne tenant que par la force irrascible de son désir d'en connaître plus sur l'être humain. Il méprisait parfois toute cette vie qui grouillait autour de lui, parasitant leur atmosphère lui comme à ses "patients". De beaucoup se moquaient de lui, murmurant qu'il profitait la compagnie des cadavres à celle des bipèdes bien vivants -chose qui flattait largement son orgueil. En effet, c'était à peine s'ils ne les considéraient pas comme un tas de cellules gigotant dans tous les sens, vibrant et l'empêchant ainsi de se concentrer. Les progrès qu'il faisait étaient d'ailleurs assez impressionnants pour un garçon de son âge. Et bientôt ce qui ne fut qu'une simple souris morte dans un laboratoire s'avéra être une souris au métabolisme recomposée dont la courte Après-Vie ne dura qu'un instant. Subrepticement il songea à sa mère lors de cette réussite. Il ne comprit pourquoi...
Jusqu'à ce qu'ils arrivent, les deux mômes, les deux "frappés" comme il les surnomma. Un garçon de 16 ans du nom de William Birkin et un autre, plus âgé, plus mature aussi, du nom d'Albert Wesker. Rapidement, il prit conscience que s'il les laissait marcher sur ses platebandes il pourrait bientôt dire adieu à son poste, adieu à sa licence. Cependant, il n'était qu'à deux petites années d'obtenir son diplôme et de décrocher un nouveau contrat avec Umbrella. Il ne laisserait pas filer cette chance au profit de jeunes frluquets tout droit sortis de leur école de médecine... ou d'où ne sait où d'ailleurs !
Il s'efforça alors de briser sa réputation de "ver à cadavres" et de se lier d'amitié. On comprendrait sans doute qu'un jeune homme veuille passer du temps avec d'autres de son âge et ainsi l'on verrait sa réaction comme l'appréciation d'une certaine "bouffée de fraîcheur" au sein de leur équipe. Enfin, ils ne travaillaient pas ensemble. Birkin et Wesker, si. Lui restait à ses expériences de sous-sol... Mais il s'arrangeait toujours pour se trouver de leurs côtés sitôt le travail achevé ou dès qu'une pause se présentait -histoire de bavarder un peu. Le jeune William ne posait pas de problème. Il était assez fougueux mais avait l'air de "prétendre" plus qu'autre chose. Il n'était pas une menace réelle et immédiate. Le grand blond, ce Wesker, lui, poserait davantage de problème. Il était clair que Birkin était sous sa coupe et qu'il le suivait volontiers dans tout ce qu'il entreprenait. Wesker était un électron libre, de ces hommes auquel on s'accroche mais qui, pour rien au monde, ne s'accroche à vous. Il était au-dessus de ça et n'en avait pas besoin. Leurs faces à faces ressemblaient davantage à ces boules de fer accrochées à des fils et que l'on entrechoque. Elles tapent puis s'éloignent, tapent puis s'éloignent, tapent puis s'éloignent -repoussées par leurs forces égales. Il n'essayait ni d'impressionner Wesker ni de le flatter et l'autre en faisait de même -laissant toujours cette même impression qu'il n'avait décemment pas besoin de ça pour exister. Wesker existait aux yeux de Wesker et ça semblait le contenter manifestement...
Ils établirent ce que Rourke ressentit comme un "périmètre de sécurité", soit : tu touches pas à mes projets, je touche pas aux tiens et nous conservons nos deux carrières. Cette espère de "respect mutuel", entrecoupé de formules de politesse, de sourires de bienséance et de mots agréables le laissait envisager que Wesker bouillonnait tout autant que lui de le voir se planter un jour ou l'autre... Chacun craignait le retour de boomerang tandis qu'une lutte à mort sourdait à travers les couloirs du laboratoire. C'était à celui qui irait le plus vite et progresserait le plus efficacement possible. Emerson -tout comme Wesker et Birkin sand doute- s'en rendait fiévreux à l'idée que ses expériences soient concluentes...
Le moment où il se rapprocha un peu plus d'Albert Wesker fut lorsque son compagnon trouva pour épouse une jeune femme du nom d'Annette. Blanche, blonde, famélique d'être trop restée coincée dans les réseaux étendus des laboratoires, elle ne présentait aucun intérêt autre que celui, tristement traditionnel, de jouer le rôle de femme puis de mère. Il songea alors que William n'était rien d'autre qu'un humain après tout et un homme qui devait en avoir assez de rester seul ; peut-être terrifié à l'idée de finir sa vie au milieu de ses expériences, au milieu d'une vie fructueuse, oui, mais désespérément et fatalement tout seul... A nouveau, il lui fallait un soutien. Où n'était-ce qu'une revanche qu'il prenait sur son compère histoire de lui prouver que, lui aussi, avait la force mentale suffisante pour se trouver un faire-valoir ? Toujours fut-il qu'il lui parut que la relation entre ces deux hommes n'était plus tout à fait la même depuis cet engagement... Un engagement, quelle sottise ! Voila le point de vue qu'il partageait avec Wesker.
Et l'instant où il commença à avoir peur pour lui-même se rapprocha plus rapidement que prévu. Lorsque Marcus, le scientifique le plus prometteur désormais, fut retrouvé mort, Rourke ne put s'empêcher de songer qu'il était le prochain. Et que, si ses soupçons concernant certaines personnes se vérifiaient, alors ils étaient tous deux encore capables de tout pour parvenir à leurs fins... L'autre fou. Il avait encore une certaine influence... Le croiser dans les couloirs était comme sentir la Mort vous frôler tout près -et ce contact-là ne lui faisait pas vraiment plaisir pour une fois. Il en était venu à se méfier de tout.
Il changea de service, changea d'étage et demanda qu'on lui affiliât une équipe afin de travailler sur un tout autre projet : celui de permettre aux "nouveaux-nés", mutés par les virus, de pouvoir régénérer leurs cellules en cas d'attaque. Là, au moins, ses travaux ne cotoyaient pas ceux de Wesker ni de Birkin...
Puis il fallu attendre un an après la mort de Marcus pour voir disparaître sa propre vie de la surface de la Terre.
Un jour qu'il travaillait à la finalisation du virus sensé régénérer les cellules mortes, pour ainsi permettre que les blessures provoquées se résorbent, ils furent victime lui et son équipe d'un court-circuit, faisant sauter toute l'installer électrique. Lorsque l'un de ses aides partit pour remettre le disjoncteur en route ou faire basculer la tension sur un autre générateur ce dernier grilla aussi bien qu'une saucisse sur un barbecue. L'installation prit immédiatement feu, les portes de sécurité se verrouillèrent -chose étrange, celle de secours aussi- les laissant ainsi pris au piège. Rourke Emerson accourut pour tenter de sauver les derniers échantillons qui lui restaient dans la centrifugeuse lancée à toute allure. Lorsqu'il ouvrit le compartiment il reçut une brusque giclée du produit dans les yeux et tomba à la reverse, assommé par sa chute.
Il se réveilla, seul rescapé des flammes, dans une chambre de l'aile réservée aux soins intensifs. On lui apprit qu'il était brûlé au second degré sur la quasi totalité de son corps, que ses brûlures ne se résorberaient pas avant de longs mois voire une année entière, qu'il devrait rester allité et branché à ces machines pendant plusieurs semaines au risque de s'étouffer. Ses fonctions motrices avaient abandonné jusqu'à la moindre idée de déglutition, de crainte d'endommager davantage sa trachée. Il était bloqué sur la fonction "légume" désormais.
Quoique...
Près d'une semaine plus tard, alors que l'on venait pour rendre compte de son état et d'éventuels changements, il se produisit quelque chose chez lui qu'il ne fut pas en mesure d'expliquer de prime abord... C'était comme s'il avait recouvé une seconde force et que cette dernière le poussait à agir, lui conférant la puissance nécessaire pour frapper ses ennemis à mort, se dégager de l'étrintes qu'ils opéraient sur lui et les achever tous, un par un.
Alors, Emerson fit ce qui lui semblait le plus naturel du monde en de pareilles circonstances : il dévora ses victimes.
Nulle explication logique à cela. Il n'était pas subitement devenu fou et c'était encore moins la conséquence de la mort de sa mère qui revenait le hanter et qu'il tentait d'exorciser par la perpétration de ces meurtres, non. Non, non. L'explication était des plus banales en fin de compte...
Et au fur à mesure qu'il se nourrissait de ses victimes, que le voyant rouge signalant qu'il était "sorti" du lit s'affolait, que des pas précipités se faisaient entendre dans le couloir, lui, Rourke, Docteur Emerson, reprenait lentement et progressivement forme humaine -sa peau morte et noire se décollant par paquets. Son corps était quasiment redevenu "intact" lorsqu'il fit face à l'équipe de chirurgiens et d'infirmiers qui lui tendirent un regard terrifié, sans même oser bouger...
Il convint qu'il était devenu son oeuvre. Il convint aussi qu'il resterait à jamais ainsi tout comme il admit, certes, qu'il ne pourrait plus jamais marcher parmi les "vivants".
Le Directeur du laboratoire lui demanda expréssement d'accéder à sa requête : partir s'isoler dans un centre de la Corporation, déserté pour le peu de facilités qu'il offrait au niveau des acheminements de matériels, et y rester. Y rester mais travailler avec eux, sous condition d'un rapport toutes les semaines. Emerson prit cela comme une nouvelle façon de s'enterrer un peu plus profondément et considéra sa nouvelle condition de "vampire", paria parmi les paria, avec une certaine amertume tout de même... Ou une nouvelle façon pour Umbrella non seulement d'éloigner sa nouvelle créature tout en la gardant chaudement sous le bras. Il prit le départ à bord d'un Hunter, hélicoptère militaire (et non, c'était pas la bestiole !) dont la sous-compagnie de Forces d'Intervention d'Umbrella (les fameux U.B.C.S.) disposait. Direction les Hauts Plateaux du Mexique, paumé près de Torréon.
Savez-vous combien de personnes se font enlever au Mexique de nos jours ? Aucune idée ? Lui non plus d'ailleurs mais il pouvait affirmer que ses statistiques gravitaient autour de 10 à 15 par semaines. Il s'était mis dans la poche un petit groupe de rebelles suffisamment cupides et suffisamment entraînés pour lui ramener assez de marchandise et satisfaire ses besoins. Expliquant comment il procédait à ses supérieurs, il reçut les financements nécessaires à ses projets...
Médiocres projets. Dans ce lieu insalubre, bouffé par les rats et les termites, que la population locale qualifiait de "maudit", il n'avait guère qu'à de piètres résultats. Mais les rebelles l'approvisionnaient toujours, tandis que ses rapports n'étaient qu'à peine lus. Mais Umbrella elle-même avait pris contact avec leur chef afin que les enlèvements se fassent plus fréquemment, et ils payaient le double ! Et lui de s'escrimer pour que lui soit fourni un matériel plus performant.
Jusqu'à ce qu'au bout d'un an et demi il ne comprenne leurs réelles intentions. Ils ne cherchaient qu'à le nourrir, voir comme la "bête" évoluait et si elle évoluait. Si c'était le cas, s'il mutait, il devenait intéressant... S'il n'en était rien, ils enverraient bientôt une équipe suffisamment discrète et expérimentée pour mettre fin à ses jours. Progressivement le sujet de ses rapports ne devint pas les quelques malheureux qu'il réussissait à grapiller mais lui-même. C'était un peu comme donner ses nouvelles, en plus intime bien sûr, et en brodant tout autour. Emerson leur faisait miroiter des mutations génétiques qui, de toute manière, n'avaient même pas lieu d'être, juste histoire de les faire rêver sur son potentiel destructeur...
La solitude, peut-être même un peu de ce qu'il s'était évertué à refouler, la paranoïa, la dépression, vinrent s'installer en lui et en sa demeure. Et, alors que l'on approchait lentement de l'année 1998, Umbrella décida que le groupe rebelles n'avait plus à intervenir. Plus aucune proie ne lui fut ramenée, preuve qu'ils cherchaient là d'autres résultats que "j'ai des piques qui me poussent dans le dos" ou alors "ma sensibilité aussi que mon odorat se sont accrus". Comme si on ne le croyait plus désormais...
Il s'abandonna à la décrépitude -puisque c'est ce qui se produisait dès qu'il ne se nourrissait plus de chair humaine : il se décomposait, comme ses cadavres d'autrefois, tombant presque en lambeaux, se flétrissant. Ce jour d'été 1998 il avait cherché à mourir... avant qu'on ne vienne le trouver par hélicoptère et qu'on ne le ramène aux Etats-Unis. Sur le chemin, un abruti de la Section d'Assaut d'Umbrella lui avait fait un débriefing de la situation avant qu'il ne s'évanouisse : Manoir Spencer attaqué, centre de recherche décimé, police locale informée et force en présence dépéchée par le Commandant Wesker.
Le Commandant Wesker... brusquement ses iris délavées frémirent et il chercha sous la pélicule laiteuse qui lui recouvrait la pupille la voix qui avait bien pu lui témoigner de cela...
Le... Commandant Wesker...
C'était une plaisanterie ?
Manifestement non vue qu'elle vira au cauchemar. Depuis son hélico, il fut rapatrié à New-York, Centre d'Umbrella où l'attendaient, semble-t-il, les plus hauts dirigeants de la Corporation.
A moitié mourant, attaché car l'on craignait qu'il ne cède à quelques appétits voraces, on l'avait laissé entendre leurs paroles.
Raccoon City, ville jouxtant le centre d'expérimention, est placée sous la plus grande menace. Les S.T.A.R.S. ont échoué à endiguer la propagation du virus et l'on craint que celui-ci ne se répende à travers toute la petite ville. De plus, certains survivants sont revenus et ont fait état des différentes expériences qu'ils ont pu "cotoyer" durant leur mission. Wesker, quant à lui, est porté disparu.
Cachant une verve lui montant depuis les tripes et un sourire frôlant l'hilarité, Rourke Emerson crut comprendre qu'il était à présent de son devoir de se rendre sur place et de tâcher de rendre compte de la situation... tout en essayant, si possible, de rassurer la population. Il garderait contact avec Umbrella mais aussi avec une équipe d'intervention prête à agir en cas de trop gros "débordement". Il avait désormais carte blanche...
Lorsqu'on lui demanda, suite à l'entretien, ce qu'il désirait, le Docteur Emerson grimaça, branché aux quelques machines qui le maintenaient encore en vie puis répondit :
"Deux ou trois de vos meilleurs cobayes humains, s'il vous plaît", et ce en toute politesse.
“Everything's got a moral, if only you can find it.”
Lorsque la voiture pila juste en face du barrage de police, Rourke se réveilla brusquement, lançant un regard hagard et alentours pour savoir où il avait atterri. Sa surprise ne fut que de courte durée lorsqu'il vit toute la ribambelle de flics, de voitures mais aussi d'ambulances et de soigneurs qui bouchonnaient entièrement la rue de la petite résidence. Il soupira puis passa une main sèche sur sa bouche enkilosée de n'avoir encore rien bu de la matinée, juste avant que la voiture ne s'approche d'un des policiers en faction et que son chauffeur n'abaisse sa vitre.
Aucun mot ne fut réellement échangé mais l'homme lui présenta sa carte et ainsi il le laissa passer. Le flic le dévisagea un instant à travers l'épais vitrage sombre de la voiture, cherchant manifestement à savoir quelle genre de personne avait un accès aussi privilégié. D'habitude seul le chef de la police ou de grosses légumes pouvaient passer le barrage, un accès spécial en poche.
Le Docteur Emerson prit un étui entre ses mains et fit glisser sa paire de lunettes de soleil qu'il campa sur son nez long et fin. Un regard à son chauffeur et à la personne assise côté passager, puis il poussa un soupir devant tout le chambardement qu'un tel incident venait de causer. Plus qu'un incident, c'était un dérapage. Oui, rien de plus...
On gara la voiture à un emplacement un peu en retrait indiqué par un autre de ces policiers puis le chauffeur sortit d ela voiture, suivi de près par son passager et par lui-même. La chaleur plombante du soleil cuisait sa peau comme s'il se trouvait en Enfer... Remarquez, il n'en était pas si loin.
L'étendue du barrage placé par la police était assez impressionnante. D'habitude on devait s'attendre à avoir tous les badots sur les genoux alors que là ils étaient facilement à 10 ou 15 mètres de la scène de crime. Ils avaient cette sorte d'attitude prostrée, se rehaussant de temps à autre pour mieux voir ce qu'il s'était passé -comme des animaux à l'affût de la moindre chose sortant de l'ordinaire et qui aurait pu les renseigner sur la nature du drame. Aucune messe basse encore moins protestation. Tout le monde était calme. Lui aussi fut très calme par ailleurs lorsque lui fut présenté l'inspecteur Bligh, chargé de l'enquête. Un homme d'un certain âge, bedonnant, presque une caricature qu'il aurait pu rapprocher de celle du chef de la police dans "les Simpsons".
L'homme lui expliqua brièvement la situation de son ton bourru et maugréant tandis qu'il traversait le jardinet pour se diriger vers la porte d'entrée de la maison. Mais il n'y avait qu'à voir les visages blèmes de ces jeunes bleus sortant de l'habitation... c'était un peu comme s'il venait de voir la mort en personne. Et il songea alors à un poème de Baudelaire qui lui revenait en mémoire...
"Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux:
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,"C'était à peu près la même idée. Car eux aussi finiraient comme eux, pourrissants et sans beauté aucune... pour ne pas dire sans plus rien de reconnaissable.
Il passa le seuil de l'entrée et les mots déjà dansaient dans sa tête : "une famille, une femme, trois enfants, père au travail... Dévorés... gros animal... peut-être un fauve...".
"Le légiste présent prétend qu'il ne s'agit pas d'une morsure animale", lança Bligh tandis qu'il s'était tourné vers lui. Et Rourke de redresser ses lunettes sur son crâne du fait d ela pénombre du salon...
"Alors quelle genre de morsure cela pourrait-il être, Inspecteur ?".Il sembla s'affaisser sur lui-même en une mine bougonne et grave de vieil ogre renfrogné. Décidément, il multipliait les caricatures...
Mais la réponse, à leurs, yeux, était d'une cruelle évidence.
Lorsqu'ils approchèrent du canapé, là où la télé bourdonnait encore des programmes du matin, ils virent apparaître entre le mur et le dossier de ce dernier une jambe recouverte d'un jean à laquelle il semblait manquer une basket. Le reste, tout comme le sol, était gorgé de sang noirâtre et humide. Emerson se pencha sur la jeune personne. Une toute jeune femme, à peine la trentaine, d'un blond d'or sur une peau rendue pâle. Son regard d'un bleu céruléen n'était plus nimbé que d'un blanc laiteux. Cécité qu'il ne connaissait que trop bien... Il l'observa, jeta un regard à ses blessures, tut un soupir et s'efforça de contenir l'inquiétude qui se lisait maintenant sur ses traits.
Lorsqu'il se tourna vers ses hommes et vers Bligh, il était impassible :
"Votre légiste dit vrai, il ne s'agit pas d'un animal...".Que devait-il faire ? L'idée de tous les massacrer lui traversa l'esprit et ainsi il tuerait aussi bien ce qu'il s'apprêtait à leur apprendre et ce qu'ils avaient d'ailleurs partiellement découvert.
Ou fallait-il plutôt ménager le suspense ?
"Je ne peux garantir qu'il s'agisse d'un humain à proprement parler. Il est vrai que la forme arrondie des morsures pourrait le laisser croire. Et pourtant...".Il établit une courte pause et un sourire presque halluciné vint éclairer son visage morne. L'idée stupide qui venait de lui traverser l'esprit valait le coup d'être tenté et peut-être gagnerait-il du temps, ne serait-ce qu'en procédure...
"J'aimerais autopsier les corps moi-même".Et, comme un félin -bedonnant, le félin- attendant gentiment que sa proie lui soit offerte, Bligh répliqua :
"Il n'en est absolument pas question. Notre légiste s'en occupe déjà. Du reste, il a expressément demandé à ce que les corps des enfants soient rapatriés à la morgue".Il sentit son regard porcin sur lui. Un regard insistant et lourd qui en disait bien long. Alors on y était ! Le poison divulgué par les S.T.A.R.S. avait fait son effet au sein de la police municipale et Umbrella était pointée du doigt. Il avait deux jours de retard... et encore il pouvait s'estimer heureux d'être arrivé à temps. Encore un peu et c'est la mère qu'ils embarquaient sans rien lui laisser constater.
Il se racla la gorge sans se laisser démonter :
"Si les morsures sont bien humaines vous pouvez me croire, l'assassin n'était pas seul"."A quoi pensez-vous ?"."A rien d'autre qu'au simple fait que, depuis quelques mois, vous manquez d'effectif, Inspecteur, et que la population à risques est devenue de plus en plus difficile à maîtriser.
Je serais vous, fit-il l'air de ne pas y toucher, je commencerais à me demander si l'impact des rumeurs lancées par les S.T.A.R.S. n'y est pas simplement pour quelque chose... Après tout, ce genre d'histoires peut rendre fou. Regardez donc "la Guerre des Mondes" et ce pauvre Orson Welles. Les gens sont prêts à tout soit par désespoir, soit par bravade...".Il jeta un dernier regard à la malheureuse. Comme une charogne laissée éclatée sur le trottoir -une fleur de sang sous la tête. La vie vole en éclat puis...
Ce n'est qu'un éternel recommencement.
"La morgue se trouve à l'hôpital ?", fit-il sans y penser.
"Parfaitement".Et de lever un regard à l'un et l'autre de ses hommes, avant de se diriger vers la sortie tout en leur forçant le passage. Son chauffeur et l'autre scientifique lui emboîtèrent le pas tandis que Bligh s'efforçait de les retenir sur des "attendez ! Où allez-vous ?" ou d'autres menaces, du genre "je fais appel à vos supérieurs immédiatement !" ou encore, celle, plus cinglante ; "vous n'avez absolument pas le droit de nous laisser ainsi".
Emerson claqua la portière de sa voiture sur un juron et le chauffeur démarra aussi sec, manoeuvrant afin de sortir de la place qu'il s'était fixée. Un regard derrière son épaule et il lui lança :
"Bon, on fait quoi maintenant, Docteur ?"."Qu'est-ce que vous voulez faire ? S'écria-t-il, ces crétins sont en train de s'endiguer eux-mêmes ! Bon sang, Taylor, qu'est-ce que vous voulez faire ?".L'autre scientifique n'ajouta rien et baissa la tête, confus.
"Ils se préparent à un sacré changement d'atmosphère, ça c'est moi qui vous le dit !".Avant que la voiture n'aborde l'allée et qu'elle ne dépasse le barrage ouvert spécialement à leur effet.
Ils roulèrent à travers les rues de Raccoon City, direction la nationale la plus proche afin de gagner la ville où ils s'étaient établis. Seul dans ses pensées, Emerson machonnait son chewing-gum avec grand bruit, le claquement de sa langue pour seule musique dans l'habitacle. Il observait les rues, les routes qu'il traversait, les trottoirs d'un monde qui s'éveillait et s'animait à huit heures du matin. Les boutiques qui ouvraient et les sourires des vendeuses lorsque ces dernières croisaient leurs clients favoris et habituels. Il se renfrogna, le visage dur, les yeux baissés. Et comme trouant le silence, son collègue se mit à parler :
"Que fait-on maintenant ?"."Il n'y a plus rien à faire".Il se tourna complètement vers lui et, par-dessus son siège :
"Je veux dire : on intervient ou on laisse faire ?".Et à cet instant précis le regard vitreux du Docteur croisa celui de son comparse, brun et profond :
"On laisse faire".Il finit sur un sourire.
“We're all mad here~”
Pseudo: Emerson XD
Comment avez vous connu le forum ?: par le biais du Top-Site Au bon RPGiste ^^
Remarques, suggestions ?: Aucune :) c'est déjà très, très bien comme ça ! Looll j'espère qu'un jour on aura droit à une vidéo spéciale pour le forum :D !!!
Avatar de votre personnage: Dr Gregory House ;)